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planes

3 mai 2021

Tres de mayo

Je viens de relire par hasard de vieilles notes, préexistantes même à ce blog. La plateforme s'appelait u-blog, nous étions en 2004. J'avais vingt-trois ans, j'en ai aujourd'hui quarante, c'est vertigineux. Ce blog s'appelle planes, l'errance en grec ancien, je l'avais conçu pour rendre compte de ma trajectoire. Quelle drôle de préoccupation ! On ferme donc, et on ouvrira peut-être un jour ailleurs, quelque chose d'autre [insérer lien]

 

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1 mars 2021

Genève

Robert Musil meurt en exil à Genève, en 1942, d'une congestion cérébrale dans sa salle de bains. Le médecin qui signe l'acte de décès est Aron Starobinski, le père de Jean.

12 février 2021

Ce n'était qu'un vendredi 12

Bon anniversaire Mr Darwin. 

24 janvier 2021

L'homme le plus intelligent de son époque

     « Paul de Gondi, cardinal de Retz (1613-1679) est un homme d'une autre envergure. S'il n'avait pas écrit ses Mémoires après 1671, on le rangerait parmi les écrivains de Louis XIII auquel sa vie, son style et son esprit le rattachent. Le cardinal de Retz est tout entier dans la Fronde et les intrigues politiques où il se meut avec une subtilité démoniaque. Frondeur, nommé cardinal par la cour, emprisonné à Vincennes et à Nantes, nommé archevêque de Paris, évadé, traitant des affaires à Rome, discutant avec le pouvoir, excitant le peuple, animé d'ambitions puissantes, le cardinal de Retz est le type même de l'homme de parti. Ses manœuvres politiques se sont terminées par un échec total et bienfaisant pour la France. Mais Retz avait bouleversé Paris et inquiété la Régence par son intelligence, sa popularité et ses allures intrépides. Il dépasse de beaucoup La Rochefoucauld comme agitateur et comme homme d'action. Il le dépasse aussi par son imagination et sa flamme.
     Le cardinal de Retz rappelle La Rochefoucauld par son art des formules brèves et saisissantes et La Bruyère par son goût pour les portraits, mais il est impossible de revenir vers ces deux écrivains lorsqu'on s'est une fois plongé dans les Mémoires. Le cardinal de Retz est peut-être l'homme le plus intelligent de son époque et son intelligence fuse en traits de feu. Son cynisme, son insolence, sa démarche libre, hautaine et détachée, le négligé follement élégant de son style, en font un écrivain sans rival, auprès de qui Voltaire paraît terne et les Encyclopédistes des nigauds enrhumés. Paul de Gondi est un polémiste terrible : d'un seul regard, il perce son adversaire jusqu'au fond de l'âme, puis il l'étourdit, le scalpe et l'écartèle, au milieu d'une fête éblouissante d'images et de mots. Tantôt il abandonne une formule angoissante comme celle qui termine le portrait de Richelieu : « Il avait assez de religion pour ce monde », tantôt il s'empare du ridicule et compose un pastiche du duc de Beaufort qui est d'un comique prodigieux. En lisant ses « Mémoires », on rit, on admire, on se trouble. Machiavel fait tout aussitôt figure d'un enfant et on comprend Richelieu qui, après avoir lu L'Histoire de la conjuration de Fiesque, prononça un mot d'une simplicité significative : « Voilà un dangereux esprit. » Cela était fort bien jugé.
     Retz est un conteur pétillant et emporté. Il n'a pas son pareil pour conduire un récit plein de fantastique, d'entrain et d'ironie victorieuse. Il parle de l'amour comme de la politique et des femmes avec une grâce dont la politesse raffinée atteint au comble de l'insolence. Mais c'est encore dans le portrait qu'il triomphe. Ceux qu'il a faits de Richelieu, de Mazarin, d'Anne d'Autriche, de Condé, de Turenne, de Mme de Longueville, de Mme de Chevreuse, sont des chefs-d'œuvre de psychologie profonde et cruelle. Jamais aucun écrivain n'a composé de portraits dignes de soutenir la comparaison avec ceux-là, riches, comme il le dit lui-même d'une femme charmante, de « réveils lumineux et surprenants ». Le cardinal de Retz trouve en courant des images d'une poésie matinale ou souterraine, ruisselantes de plaisir et d'amour ou frissonnant dans un silence d'outre-tombe. Le jeune révolutionnaire sans scrupules, rompu à toutes les ruses de la politique, et l'homme rêveur et mélancolique, ami de Mme de Sévigné, de Mme de La Fayette, capable d'impressionner Bossuet lui-même, semblent s'être donné la main, pour écrire ces Mémoires, où quelques unes des expériences les plus passionnantes qu'il soit possible de faire en ce monde sont dévoilées sur un ton de supériorité inimitable par l'un des plus grands écrivains de notre langue. »

Kléber Haedens, Une Histoire de la littérature française.

4 janvier 2021

Débuts

     « Le jeu finit les disputes. Barbasan ne joua point, je ne jouai point aussi. Nous restâmes seuls désœuvrés : je m'aperçus qu'il avait les yeux attachés sur moi ; j'en fus embarrassée. Pour assurer ma contenance, je m'approchai de la table où l'on jouait, il n'osa d'abord m'y suivre ; heureusement un incident qui attira des contestations, lui en donna le prétexte : je crois qu'il me regarda toujours ; pour moi je n'osai lever les yeux quoique j'en eusse grande envie.

     Je n'eus pas besoin de lire avant de me mettre au lit, comme j'en avais la coutume : un trouble agréable, que je n'avais jamais éprouvé, remplissait mon cœur. La figure de Barbasan se présentait à moi. Je repassais tout ce que je lui avais entendu dire ; je m'applaudissais de penser comme lui : je n'osais m'arrêter sur l'attention qu'il avait eue à me regarder, je n'y pensais qu'à la dérobée. Ma nuit se passa presque entière de cette sorte. Je fus fâchée ensuite de n'avoir pas dormi. Je craignis d'en être moins jolie. »

Madame de Tencin, Les Malheurs de l'amour.

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23 décembre 2020

Corps célestes

Lorsque Groddeck perd son frère Bummi, sa tristesse est grande : « Personne désormais ne m'appellera plus Pat ». Dans L'Âge des lettres, Antoine Compagnon raconte son accès d'affliction à la pensée, lorsque son père mourut, que plus personne ne l'appellerait jamais fiston (ou mon fils, je ne sais plus). Nous sommes peu de chose, mais tout tourne autour de ce peu : le corps, réceptacle de la vie. Nos disparus n'existent qu'à travers nous, comme ces astres invisibles dont on ne peut qu'inférer l'existence d'après la trajectoire d'autres qu'ils infléchissent. L'absence n'est pas absolue, rien ne l'est.

Quand il y a quelques années j'ai cru perdre ma grand-mère, j'étais malheureux comme les pierres à l'idée que plus jamais personne ne m'appellerait poulet. Elle a survécu, mais la joie et le soulagement ont assez vite laissé place au dépit. Sa clarté d'esprit avait disparu et parmi ses absences une me blessait plus que les autres : elle ne me reconnaît pas toujours. Je me suis reproché mon égoïsme, gagné peu à peu par l'indifférence, incapable d'aimer sans retour. Et dans mes coups de fil plus rares, et moins longs, lassé que je suis d'avoir à lui rappeler dix fois qui je suis, où j'habite, comment se prénomment mes enfants, je raccroche parfois heureux et coupable, quand elle clôt la conversation par un spontané « merci mon poulet ».

 

27 novembre 2020

Incarnation

Je suis dans le jardin de mes grands-parents ardéchois, sur la balançoire à l'ombre du grand cerisier, et j'entends parler du possible transfert de Maradona à l'OM. L'excitation de mes oncles et cousins doit être grande pour que je l'aie partagée, et que je m'en souvienne. C'est l'été 1989. Jusque là le football n'excédait pas pour moi les limites du terrain de la cour de l'école. Tout juste ai-je entendu mes copains parler, sur ce terrain, de la retraite de Michel Platini, deux ans plus tôt.

Coupe du Monde 1990, je me souviens avoir vu le début de la finale dans un bar de montagne, et c'est à peu près tout. Le foot professionnel commence à peine à m'intéresser, j'ai fêté un mois plus tôt la victoire de Montpellier en coupe de France, j'ai vibré pour la première fois devant la demi-finale face à Saint-Étienne. Mais je n'ai aucun souvenir de Maradona, qui amorce ici son déclin, et quand nous jouons avec mon cousin nous nous imaginons plus volontiers être Careca, son coéquipier au Napoli, Roger Milla ou Toto Schilacci, le héros sans grade.

1994, autre coupe du monde, j'associe le but de Maradona contre la Grèce à un terrain sableux, au milieu de la cité, soit que nous l'ayons rejoué là les jours suivants, soit qu'on me l'ait raconté sur ce terrain alors qu'il venait d'être marqué, avant que j'en voie les images. Diego renaît, je suis sur le point d'enfin découvrir son génie, mais tout s'arrête aussitôt et ne reprendra jamais plus. Je me console en idolâtrant Cantona, une sorte de Maradona du pauvre, ou du riche.

Sur le terrain, je ne m'imagine pas être Maradona, je ne l'ai jamais vu jouer. Quand je jongle avec les épaules ou que je garde le ballon sur mon front, à la manière d'une otarie, les plus vieux me parlent de lui, mais moi je pense à Ronaldinho, qui émerge. Platini peut bien dénigrer Zidane en disant que ce qu'il fait avec un ballon, Maradona le faisait avec une orange, je m'en moque : qui joue avec une orange ? Et qui mieux que Zidane avec un ballon ?

Et puis grâce à Internet je finis par voir des images, des tours de cirque, des buts fameux, des actions d'éclat, des lucarnes parfaites, barre et poteau à la suite, si souvent que ce ne pouvait être un coup de chance, des dribbles, des ouvertures, et des tacles subis d'une violence qui nous paraît irréelle, parce que d'une autre époque. Et des joueurs du temps passé on a toujours tendance à relativiser le talent : à l'époque, ça allait moins vite, les défenseurs ne savaient pas s'aligner, il n'y avait pas de pressing. Eh bien, de Maradona on ne peut pas penser cela : il serait aujourd'hui titulaire dans n'importe quel club au monde, j'en suis sûr.

Chaque génération a ses idoles. Je sais bien que si les exploits de Cristiano Ronaldo et de Messi me laissent froid, c'est parce que je suis trop vieux. Mais il n'y a pas que cela. Les joueurs que j'ai idolâtrés étaient de beaux athlètes : Cantona, Zidane, Ronaldo. Ceux qui les ont suivis sont des corps-machines, des hormones de croissance du petit Messi aux cadences infernales des exercices abdominaux du Portugais. Quant à ceux qui les ont précédés, ils avaient des corps qui nous paraissent bien imparfaits, loin de nos modèles, des corps que le travail ni la science n'avaient modifié, mais le jeu, mais la vie. Le football est cette ville dont le prince fut un nain.

25 novembre 2020

Dieu est mort

Et cette fois, c'est pour de vrai.

 

 

 

14 novembre 2020

De l'amour

Je découvre trois cartes postales dans mon exemplaire des Métamorphoses de l'amour, de Nicolas Grimaldi, que je n'avais jamais ouvert. Elles me renseignent sur l'origine du livre. La première est un portrait de l'abbé Pierre, elle est vierge, évidemment. J'ai donc acheté le livre dans un Emmaüs, des environs de Béziers vraisemblablement, puisque c'est la ville de destination des deux autres cartes. Une jeune femme écrit à sa mère, de Guadeloupe, où le soleil se couche, puis d'Avoriaz, où six ans plus tard il se lève. Pas de déclassement social dans l'intervalle donc, on passe Noël aux Antilles et on skie en février, mais quelques changements : Maman est devenue mamounette ; plus de petit dessin dans un coin de la carte ; Julie ne signe plus avec Grégory, mais avec Romain.

 

7 novembre 2020

Rocher

     « Ma conversion, perpétuellement active, réside dans ce pouvoir de dépassement qui est le mien. C'est moi qui, dans ce monde-ci, tel qu'il est et non pas tel que je le désire, décide de mes fins, de mes désirs, de mon autonomie. La tâche n'est pas aisée mais, une fois instaurée la liberté intérieure, la "gratification" est telle que cette liberté devient une force constante et non un risque perpétuel.
     Cette force constante, dont l'œuvre est ma conversion, vaut dès lors pour moi comme un rocher.
     La conversion réflexive qui inverse les perspectives et annonce un monde nouveau devient alors solide et stable comme un rocher, la base bien établie de ma nouvelle vie. Cette base est certes paradoxale puisqu'elle est un acte, mon acte et ma détermination. »

Robert Misrahi, La nacre et le rocher. Une autobiographie.

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