Coquille vide

Il y a de cela une quinzaine de jours, j'ai reçu par courrier un numéro de L'Express. Je ne lis pas la presse, sinon dans les salles d'attente, et ma bonne santé pour l'instant m'en préserve. Je l'ai feuilleté, chaque article m'a paru mériter commentaire et je me suis un temps imaginé me lancer dans cette entreprise sur ce blog, quotidiennement. Puis je me suis dit « à quoi bon ? », qui cela peut-il intéresser ce que je pense de Stéphane Guillon ou de Jacques Attali ?

Un matin, pourtant, l'idée m'est revenue. Il était tôt, j'étais allongé sur le tapis au pied du lit de mon fils, il s'était rendormi et l'inconfort m'interdisait pareille évasion. Je m'imaginais écrire ici sans retenue, sans délicatesse (j'ai passé l'âge de l'oisive jeunesse), annonçant dans chaque note le sujet de notes futures. Je dois le confesser, une certaine griserie m'a brièvement saisi. Puis mon fils s'est réveillé, et je me suis dit « à quoi bon ? ».

Les choses auraient pu en rester là, généralement c'est ainsi que cela se passe. Par le passé, il m'est arrivé d'annoncer que j'allais écrire une note tous les jours, je le faisais pour m'obliger à tenir parole, et la parole tenait quelques jours avant que je me dise "à quoi bon ?". Chaque jour, un ou deux visiteurs, rarement trois, s'égarent ici. Quand Tlön me fait l'honneur d'une mention dans ses publications, un soudain afflux vient gonfler deux ou trois jours les statistiques de visites, puis invariablement les chiffres reviennent à la normale. J'ai passé l'âge aussi de m'en affliger, et je m'amuse au contraire en imaginant la déception des lecteurs de Tlön, si confiants dans la sûreté de son goût, et si circonspects devant cette faute que la bienveillance seule ne peut expliquer.

À quoi bon d'ailleurs tenir un blog quand la mode en est passée ? Ma foi, à cette question et à quelques autres que cette note ne fait qu'esquisser, on va s'employer à apporter d'acceptables réponses.