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19 juillet 2019

Olivier

C'est le petit matin, le jour n'est pas encore levé, bientôt je serai sur les pentes du pic d'Eyne (2786m), et je viens de terminer un récit de Jules Sandeau, Olivier. Je n'avais jamais lu Sandeau, je ne connaissais de l'écrivain que son rôle d'amant de George Sand, et je le connaissais mal : je me le représentais comme le profiteur du talent de sa maîtresse, une sorte de Willy pour Colette, même si dans ce cas aussi les choses sont plus compliquées qu'il n'y paraît. Chacun au fond a fait entrer sa maîtresse en littérature, il se jouait dans le choix des noms d'auteur, Willy Colette et l'apherèse Sand, comme dans l'adoption par l'épouse du nom du mari, autre chose qu'une preuve de la domination patriarcale ; faute de mieux, nous la nommerons amour. 

Olivier est un beau petit garçon de trois ans, qui fait le bonheur de ses parents. Son père un soir tire les martinets au fusil : « le coup partit, Olivier tomba. ». Comment visant le ciel peut-on toucher un enfant au sol, le récit ne le dira jamais, mais ce mystère même n'est pas sans analogie avec celui de la littérature : en refusant l'événement, le fait divers, on s'élève au symbole. Le père devient fou, il ne peut soutenir le regard de sa femme, mais la culpabilité, pour devenir viable, se narrativise en délire : il se persuade qu'elle cherche vengeance et veut le faire condamner à mort. Il fuit donc, avec le narrateur, qui l'aide à rester en vie dans sa folie, en attendant....quoi ? L'invention d'un autre récit, qu'on devine peu à peu : un autre enfant paraît, trois ans se passent et le temps vient enfin où il peut figurer Olivier. Le récit est court, les phrases qui le composent aussi, l'un comme les autres sont admirables. On aurait tort, je crois, de considérer le dénouement et son éloge de la Providence comme une facilité et un renoncement, car le Dieu qu'on loue ici, celui qui remplace un être par un personnage (Olivier par son frère), celui qui vainc la mort par l'artifice, c'est le grand narrateur, c'est la littérature même.

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