Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
planes
11 mars 2019

Sur la conduite de Monseigneur le cardinal de Retz

    « Je ne puis comprendre l'emportement ou plutôt l'aveuglement de notre siècle. Je ne vois personne qui ne se pique de politique ; je ne vois personne qui ne décide sur les affaires d'État, et je ne vois personne qui les connaisse. Le vulgaire ne se contente pas de former des conjectures : il pénètre jusque dans le secret des cabinets, il perce les mystères les plus cachés, il ajoute à des connaissances imaginaires des fantaisies chimériques. Ainsi tout est plein de fausses lumières ; ainsi les impressions, ou jetées par l'artifice des imposteurs ou naissantes dans les esprits par un raisonnement bizarre et mal fondé, étouffent les plus belles vérités ; ainsi nous calomnions nos libérateurs et nous couronnons nos tyrans.
   J'ai essayé, pour me tirer de ces labyrinthes dans lesquels nos esprits se trouvent enveloppés, de démêler ces confusions ; je me suis proposé de ne plus chercher la vérité dans le discernement des faits, qui reçoivent une infinité de jours tous différents, qui sont contestés jusque dans leurs moindres circonstances par tous les deux partis, et j'ai voulu juger du vrai par le vraisemblable, qui ne fait pas toujours, à la vérité, une raison démonstrative, mais qui est pourtant assez souvent et presque toujours opposé au faux, et, à mon sens, la règle la plus certaine dans ces sortes de sujets si diversifiés, si mystérieux, si pleins d'obscurités et de nuages, que l'on peut dire, avec beaucoup de raison, qu'il est presque impossible de les présenter par d'autres moyens. »

Ainsi commence le dernier des pamphlets, publiés pendant la Fronde, dont Retz a reconnu a posteriori être l'auteur : Le Vraisemblable sur la conduite de Monseigneur le cardinal de Retz (1652). Une phrase le scande comme un refrain : « Cela pourtant peut être vrai, mais il faut avouer que cela n'est pas vraisemblable. » Il s'agit d'un texte défensif, attribué à un tiers ; son efficacité rhétorique doit innocenter Retz des innombrables fautes dont quelques uns l'accusent, dont tous ou presque le soupçonnent. Quelques années plus tard, écrivant ses Mémoires, il usera d'autres armes, plus adaptées au temps et à ses fins, mais il ne négligera pas le vraisemblable. La leçon des Mémoires pourrait être : cela pourtant peut être faux, mais il faut avouer que cela est vraisemblable. C'est une leçon que les amateurs de littérature sont capables d'entendre, moins les historiens.

Publicité
Publicité
Commentaires
planes
Publicité
Publicité