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14 octobre 2018

Problemos

Il y a d'abord un lieu, très beau, la vallée de la Beaume en Ardèche et des prés d'un vert inhabituel en été. Il manque quelque chose à celui qui ne connaît pas ce coin de France et le plaisir de quitter la fraîcheur du bois de Païolive pour se plonger dans celle du Chassezac. Le film dure 1h20, c'est tellement rare que cela en devient extrêmement réjouissant. Un film ne devrait jamais excéder la durée idéale du spectacle : une heure trente (on peut à la rigueur concéder en plus le quart d'heure de la mi-temps). La musique, signée Ludovic Bource, évoque plus Vladimir Cosma que Michel Legrand, mais cette référence même à ces lointaines comédies françaises n'est pas sans charme. Victor (Eric Judor) a le bon goût de couper très vite le reggae que joue l'autoradio ; et il a oublié son djembé.

Les comédiens, peu connus à l'exception de Blanche Gardin, sont très bien. Je n'avais jamais vu Célia Rosich, qui trouve un subtil équilibre entre ce qu'elle cache et ce qu'elle montre de son émoi après l'égorgement des moutons ; j'avais aperçu Michel Nabokoff, très drôle dans cette même scène, dans le médiocre La Tour 2 contrôle infernale  ; je connaissais de Marc Fraize son sketch muet dans une émission insupportablement bavarde ; j'avais vu et aussitôt oublié, malgré ses faux airs d'Alison Brie, Claire Chust en Chantal Cloche dans une pub dont Eddy Leduc, la révélation du film, faisait la voix off. Judor l'a découvert dans une autre pub, pour la concurrence, dans laquelle sa voix faisait déjà merveille :

 

 

On lui doit la scène la plus drôle du film, à lui et à Youssef Hajdi, déjà vu dans Platane, malheureusement pas dans les meilleurs épisodes. Dans Problemos, il impose sa diction et son accent si particuliers dès la première réplique : « Excusez-moi, il est à vous le quatre-quatre gris ? ». La scène la plus drôle du film, à mon goût, ne dure que quelques secondes mais l'enchaînement des répliques, des gestuelles et des expressions est si parfait rythmiquement qu'on voudrait n'avoir jamais vu le film pour revivre le plaisir de sa découverte. Hemingway, paraît-il, n'avait pas de plus impérieux désir que de relire Guerre et Paix et de retrouver les sensations qu'il avait éprouvées en le lisant pour la première fois ; je ne l'ai jamais lu, j'aime les choses légères, modestes et frugales, comme Problemos, c'est une honte qui n'est pour mon salut peut-être pas fatale. 

Éric Judor s'est réservé quelques unes des meilleures répliques, mais aussi les plus mauvaises, les plus balourdes, encore que toutes ces appréciations soient évidemment subjectives. Il se contente encore parfois de son naturel, mais le cinéma n'est plus pour lui ce jouet qu'il s'amusait à casser avec Ramzy, comme deux enfants turbulents. On devine qu'il y a eu beaucoup de prises, d'essais, de travail. Avec les répliques coupées de Will Ferrell il y aurait de quoi monter un deuxième film aussi hilarant que le premier ; pour une fois dans une comédie française, on devine que Judor aurait pu faire de même. Il a pourtant eu l'élégance de livrer son film sans bêtisier, sans bonus, lui qui avait pris soin de l'annoncer par plusieurs extraits, quand les comédies françaises sont habituellement présentées par une bande-annonce qui compile paresseusement les meilleures répliques du film, et complétées par un bêtisier tourné exprès par des acteurs qui cabotinent. Problemos est du travail bien fait, et l'on est presque désolé que cela puisse être entendu comme un compliment équivoque, comme une critique cauteleuse.

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