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planes
26 septembre 2018

Automne

Il est presque midi, dimanche, et le carillon de l'église, dans la ville en contrebas, joue À la claire fontaine. J'interromps mon débroussaillage pour écouter cette mélodie qui toujours m'évoque non pas des souvenirs d'enfance vécus, mais des imaginaires, quand je rêvais d'une France lointaine peuplée de chevaliers et de bergers. Un homme ahanant me ramène au temps présent ; il remonte en courant le chemin de pierres, que nous avons cessé, avec le temps, d'appeler chemin des ânes, alors que ses nouveaux habitués font tout pour nous pousser à revenir à cette appellation. Les joggeurs ne s'y aventurent pas, d'ailleurs les hommes mûrs qui pratiquaient jadis ce sport l'ont abandonné aux femmes de leur âge, et si le mot n'était pas imprononçable à nos langues, ni utilisé dans un tout autre sens par d'autres, on devrait parler plutôt que de footing de thighing, tant cette pratique est devenue affaire de cellulite. Les hommes maintenant font du trail, c'est-à-dire qu'ils courent dans des lieux où le bon sens et la prudence recommanderaient de prendre spécialement son temps, et courent qui plus est affreusement longtemps. Je sais que notre passé de chasseurs cueilleurs fait de nous des spécimens très endurants, mais n'y aurait-il tout de même pas moyen de mieux employer cette admirable énergie ?

Je travaillais donc à créer, avec d'autres, un moment de joie collective, familiale. Quand ce moment est arrivé, j'ai été frappé de constater à quel point chacun avait du mal à en profiter, tiraillé et par de lointaines habitudes, généralement répétitions d'exemples parentaux, parfois adaptés, ou mal interprétés, et par l'imagination de ce qui allait suivre, de la vie quotidienne qui allait reprendre, de la semaine qui allait commencer et à laquelle on était insuffisamment préparée. Et pour moi ? Le moment a été décevant, mais c'est peut-être que ce n'était plus le moment, mais déjà l'événement. Le temps d'imaginer et de mettre en action était passé ; il recommençait pour d'autres, et leurs imaginations malheureuses contrariaient la mienne, qui le voulait bien. Il aurait fallu à mon tour me lancer dans la création d'un nouveau moment et garder vis-à-vis de l'imagination d'autrui une distance suffisante, réduite à une bienveillante observation de ses mécanismes internes, sans influence sur les miens propres. Ma grand-mère tout de même a eu l'air, à plusieurs reprises, fugitives, d'être heureuse de retrouver après tant d'années son oustalou.

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