Adieu au foot ?
« Jour de gloire, à l'inverse, en bord de mer. Adolescent, trois heures de l'après-midi, en août, quand la plage est brûlante et que l'air tremble dans la chaleur torride. Tout près de là, un petit terrain privé, entre des palmiers chétifs et trois brins d'herbe. Mais avec des buts parfaitement réglementaires. A vrai dire, le ballon n'était même pas lourd, mais cela fut suffisant pour créer le miracle : un tir sec, et la barre transversale brisée en deux, qui descend en grinçant sur le gardien !
Ce coup-là, il faut le reconnaître, est remarquable. Je ne crois pas que ce soit arrivé à beaucoup de gens. C'atait peut-être un défaut, un nœud dans le bois, c'est possible, mais le fait est que le bois céda, au ralenti. J'ai toujours soutenu que frapper les poteaux est plus beau que marquer un but. Cette fois, j'en eus la confirmation. En cherchant bien, on devrait encore trouver des témoins. »
Valerio Magrelli, Adieu au foot. Quatre-vingt-dix récits de une minute.
Je soutenais moi aussi la supériorité esthétique de la frappe sur le poteau, et plus encore sur la transversale, on devrait encore trouver des témoins. Je faisais mon malin. L'un des frères C., de la cité de l'A., avait la réputation d'avoir fracassé la barre transversale sur un terrain en friche, devenu plus tard city-stade trop bruyant pour le voisinage, aujourd'hui hideux petit square bétonné garni de deux bancs toujours vacants. Il avait dû la casser en s'y pendant et fanfaronner ensuite en accusant le ballon. C'est un peu la légende des marins de Karen Blixen ; la vérité est que les os se brisent plus volontiers que les montants de but, et ce sera de plus en plus vrai. Un an sans jouer et je suis déjà aigri.
/https%3A%2F%2Fassets.over-blog.com%2Ft%2Fcedistic%2Fcamera.png)