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28 janvier 2012

Microcosme

Au risque de passer pour monomaniaque, je reviens une fois de plus sur la question de l'arbitrage vidéo dans le sport. J'ai l'obscure certitude que quelque chose d'important se joue là et qu'en cas de victoire des champions du malheur, ça ne jouerait plus beaucoup ; certaines guerres se perdent par la perte de positions qui paraissaient sans importance. Surtout, c'est qu'en voulant effacer les limites sacrées du stade où je me trouve bien, le monde tel qu'il va empiète sur mon terrain et m'implique par accident.

Hier soir, on pouvait voir à la télé un match de rugby entre Montpellier et le Stade Français. De très beaux essais ont été marqués, notamment un avant la mi-temps qui part d'un renvoi aux vingt-deux effectué par François Trinh Duc, magnifique enchaînement de passes précises dans le tempo. Sur la foi d'une escroquerie baptisée orgueilleusement révélateur, les commentateurs orgueilleusement baptisés les spécialistes — on pense à une belle chanson de Léo Ferré — affirment que Nagusa part devant Trinh Duc au moment du coup de pied, ce qui aurait dû invalider l'essai. Cela se joue à dix centimètres peut-être, et ce n'est sûrement pas la ligne épaisse ajoutée sur l'écran, loin d'être parallèle aux lignes de la pelouse, qui permet d'être catégorique. Et pourtant, catégoriques ils le sont, comme le sont quelques comptes-rendus écrits de ce matin.

Avant cette action, l'arbitre avait refusé un essai à Montpellier pour un léger en-avant de passe. Le révélateur, toujours aussi fantaisiste, était placé de telle sorte qu'il donnait déjà tort à l'arbitre. Autrefois, on aurait modestement regretté qu'en ne jugeant pas la passe au cordeau, l'arbitre préférât la lettre à l'esprit, et on aurait admis qu'il faisait partie du jeu. Mais il n'y a plus de lettre, il n'y a que de l'image et on voudrait tuer l'esprit.

Révélateur ! Le sens technique du mot aurait pu disparaître avec l'évolution technique de la photographie, mais la recherche de la vérité est une telle obsession en ce domaine, qu'il a été remis au goût du jour et attribué à un pseudo-progrès. A tout prendre, s'il faut absolument que le téléspectateur juge, je préfère l'image arrêtée au moment de la passe comme en a proposé le réalisateur espagnol lors du dernier Barça-Real, photo aérienne muette qui laisse quelque libre arbitre.

Le rugby est un sport objectivement inarbitrable, ses règles mobiles laissent tant de place à la subjectivité de l'arbitre qu'il faut en prendre son parti, admettre l'injustice et au besoin la maigre place laissée à l'arbitrage vidéo, sollicité une seule fois hier et incapable de confirmer ou pas un essai litigieux. Malgré cela, l'exemple du rugby continuera à être invoqué pour introduire la vidéo dans le football, et la vidéo ne résoudra rien, car il n'y a rien à résoudre : le terrain de jeu est un univers en miniature, on ne saurait réduire sans perte, par une vision  étroitement binaire, sa vertigineuse diversité.

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