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24 novembre 2009

A propos de l'arbitrage vidéo

La précipitation, après le match France-Irlande, de quelques laquais du pouvoir (Lamour, Finkielkraut, Lefèbvre, Attali, etc) à réclamer la mise en place de l'arbitrage vidéo dans le football, laisse imaginer l'ampleur du contingent, et sa fureur, si de cette injustice l'équipe de France avait été victime. Surtout, elle ne laisse plus de doute sur les enjeux de cette lutte.

« Non, non. Je fais allusion au combat pour moi d'arrière-garde que mènent ceux qui sont contre la vidéo, qu'ils s'appellent Michel Platini ou qui que ce soit. Je trouve que dans le monde moderne que l'on vit, être contre la vidéo, c'est... euh... être contre le progrès. Et la preuve elle est là. »
Pierre Ménès, Canal Football Club du 1er novembre 2009.

Parmi les zélateurs de l'arbitrage vidéo, les condottieres n'ont pour convaincre que des exemples d'aberration et l'affirmation d'un cours inéluctable : il faut recourir à l'arbitrage vidéo parce que de toute façon nous y viendrons. La faiblesse des arguments n'est compensée que par la répétition des campagnes, dans cette guerre d'usure contre le bon sens. Les alliés qui rejoignent leurs rangs, quel butin y gagneront-ils, sinon un dérisoire sentiment de victoire ?

Ce camp a aussi ses idiots utiles : la faction des modérés qui penchent pour un usage de la vidéo limité à certaines actions, notamment pour déterminer si le ballon a bien franchi la ligne de but. Pourtant, s'il est un domaine où la vidéo montre son incompétence, c'est bien celui-là. Les images arrêtées du ballon au sol bien souvent bavent, et il faut l'inconséquence d'un commentateur télé pour se prononcer catégoriquement quand le ballon est en hauteur. Les actions litigieuses de ce genre sont de toute façon bien rares, les erreurs rarissimes. Pourquoi changer la règle, quand les exceptions la confirment ?

A quoi bon toujours évoquer l'exemple du rugby ? Depuis la détermination de leurs règles respectives, rugby et football suivent deux voies inconciliables : l'un est condamné à évoluer sans cesse aussi sûrement que le salut de l'autre est dans son immuabilité presque absolue — quelques rares aménagements, mûrement réfléchis, toujours en vue d'assurer la continuité du jeu ; la vidéo, nullement nécessaire, va même là-contre. Celui à qui la félicité est donnée, pourquoi irait-il se perdre dans le saṃsāra ?

Scène cocasse lors du dernier OM-PSG : la nouvelle caméra de Canal+, pour être au plus près du terrain, descend jusqu'à presque cogner Bonnart, qui la repousse, agacé. Au fil du temps, la télévision a étendu son empire dans tout le stade, ne laissant plus rien de secret, plus rien de sacré. Elle a multiplié les caméras et annoncé avec fierté leur nombre, comme le fait la ville moderne et sûre. Elle a bafoué l'indifférenciation de la masse en tribunes, trahi le secret des vestiaires, disséqué le moindre coin du terrain avec loupes et ralentis toujours plus perfectionnés. Et maintenant, elle veut franchir les limites, entrer sur le terrain et participer au jeu.

Quelques scientifiques, quelques artistes, parfois malgré eux les mêmes, ont pu confondre à ses débuts la photographie avec la vérité révélée. Mais qui peut croire aujourd'hui en l'infaillibilité de la vidéo ? Alors la télévision la farde, rajoute une ligne et des couleurs, nomme cela « révélateur de hors-jeu ». La ligne est placée arbitrairement, sans souci de rectitude géométrique ni morale, qu'importe ? L'illusion de progrès technique s'impose.

Regardez ce que la vidéo a fait de l'art !

L'équivoque et la discussion sont intrinsèques au football. L'invention de ce sport est la plus brillante contribution humaine à l'art de la conversation depuis la création antique de la météorologie profane. Le concept de main volontaire, philosophiquement vertigineux, comme la faillibilité toute humaine de l'arbitrage, sont une inépuisable source de controverse. D'innombrables émissions de radio, mais aussi de télé, privées d'images par l'explosion de leur coûts et la situation de quasi-monopole, s'y abreuvent. Le paradoxe est que, par intérêt et consanguinité, on y plaide bien souvent l'utilisation de la vidéo, qui les ferait aussitôt taire et disparaître.

Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. Cette loi édictée par la Table d'Emeraude d'Hermès Trismégiste est aussi un des principes fondamentaux du football. Son anachronisme exaspère certains, qui estiment qu'il n'y a d'ores et déjà plus rien de commun entre le football de haut niveau, dénaturé par l'argent, et le football amateur. Un lien demeure pourtant, qu'il serait fou de défaire : la règle et sa simplicité universelle.

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