Du plomb dans l'aile
Un jour je critiquai ici ce préjugé des commentateurs de football qui leur fait systématiquement souhaiter que la balle aille aux ailes, loin de l'entonnoir central : cette obsession du centre lointain n'a de sens que lorsqu'on possède un avant-centre au timing exceptionnel, ce que l'équipe de France actuelle n'a pas, et dissuade d'utiliser des tactiques incomparablement plus efficaces comme les combinaisons à l'entour de la surface et les centres en retrait. Il est un autre préjugé pesant à force d'être seriné, c'est la crainte du déséquilibre offensif entre les ailes. Un Jean-Michel Larqué par exemple est obnubilé par les statistiques de répartition des attaques, progrès technique à peine moins estimable que le fantasque révélateur de hors-jeu. Pour peu qu'un côté n'ait provoqué qu'un cinquième des attaques, aussitôt il s'afflige du déséquilibre et fustige le défenseur latéral pas assez offensif. Il n'est pourtant que d'avoir quelques vagues notions de stratégie militaire pour connaître ce principe que Napoléon appliqua avec succès et dont Jomini avait fait le secret de l'art de la guerre, « la manœuvre très simple de porter le gros de ses forces sur une seule aile de l'armée ennemie ». Jomini en eut la révélation en étudiant le déroulement de la bataille de Leuthen ; on voit que deux siècles avant Lineker, déjà les Prussiens gagnaient toujours à la fin.