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18 mai 2008

Mike Tyson (15.VI.2005)

   Samedi dernier Mike Tyson raccrochait les gants. A l'appel de la septième reprise, dans un combat qu'il menait pourtant aux points, il resta assis dans son coin. Bientôt 39 ans. Plus de tripes. Plus faim.
   A treize ans, Mike Tyson vivait dans la rue et volait pour manger (il importe peu que cela soit vrai ou pas). Depuis que le Marquis de Queensbury fit le choix de jouer les législateurs, de la boxe ne survit plus que la branche populaire : tous les boxeurs sont issus du prolétariat (la bourgeoisie, elle, fournit le contingent des spectateurs, fascinés par le spectacle absurde d'une dépense déraisonnable). Tyson était un sous-prolétaire, un Sonny Liston qui n'aurait pas perdu sa jeunesse en prison : il avait plus faim que les autres.
   A vingt ans, il était champion du monde. La rapidité de ses enchaînements le protégeait des contres, son cou de taureau des K.O. Il était "Iron Mike", une machine, et on lui reprochait la brièveté de ses combats. C'était injuste, seuls les boxeurs cruels les font durer : on le rendait coupable de la faiblesse de ses adversaires, alors qu'il en était le justicier. Vingt ans plus tôt, il aurait affronté Liston, Ali, Frazier, Foreman, Norton, Cleveland Williams ou Jerry Quarry. Face à lui il ne trouvait que les derniers survivants de cette glorieuse époque (Berbick, Spinks, Holmes) et de jeunes seconds couteaux beaucoup trop tendres.
   Une telle inégalité rendait ces combats obscènes. Les dernières images de guerre encore capables de nous glacer le sang sont celles qui mettent en scène un déséquilibre comparable : barbarie de la décapitation d'otages aux mains liées ; déréalisation du dégommage vidéoludique, nuitamment, de civils suspects, cibles qui s'ignorent, par des soldats assis dans le confort de leur habitacle. La supériorité physique et technique de Tyson, outre qu'elle enlevait tout intérêt sportif au combat, laissait au spectateur une impression de malaise.
   Pourtant, si Mike Tyson n'avait pas trouvé en Robin Givens sa Yoko Ono (il importe peu que cela soit juste ou pas), on aurait regardé pendant quinze ans, avec le même intérêt, chacune de ses défenses de titre, non pour admirer de la boxe, certes, mais pour voir un homme à la force prodigieuse. Aux chroniqueurs qui disaient dédaigneusement de Tyson qu'il était devenu un phénomène de foire, il faut révéler leur erreur : Tyson le fut dès ses débuts, et c'est pour cela que nous l'aimions.

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Commentaires
P
J'ai assisté à ce triste spectacle moi aussi, mais je rêvais plutôt que Tyson nous débarrasse une fois pour toute d'Ariane Massenet.
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S
Le pauvre était « chez Denisot » à Cannes l'autre soir, avec le réalisateur dont j'ai oublié le nom, celui qui lui consacre un film. Ils montrent une scène du film où il s'étrangle en un sanglot bouleversant à l'évocation de son premier entraîneur (décédé), Cus D'amato. Retour au direct, Tyson, très visiblement (et doublement) ému dit qu'il ne souhaite pas en parler. Et Denisot de lui demander : vous ne voulez vraiment pas en parler ?<br /> <br /> J'ai alors rêvé que Tyson lui enfourne le nez dans le crâne d'un coup de poing leste, mais visiblement, Tyson n'est plus que (doublement) l'ombre de lui-même.
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