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planes
8 avril 2008

Bord cadre

Je me donne un mal fou pour n'avoir d'opinion sur rien, mais les récentes interférences entre sport et politique, tristes, me font par un bête et naturel réflexe homéostatique sortir de ma réserve. Je le fais à regret, avec volupté et en vitesse.

Le plus criant est le parallélisme de la banderole et du badge. La première était traditionnelle, quoique excessive : ce genre de chambrages entre supporters fait partie du folklore des stades et la violence du propos, renversement inévitable de l'actuelle sacralisation du Nord, ne méritait pas tout ce tintamarre politico-médiatique (évidence). Juste retour des choses : des clichés répondent à d'autres, ceux sur lequel repose le film de Boon, d'après ce que j'en sais. Maintien d'une posture aussi pour le Nord outragé, celle de la victime, gueules noires envoyées au charbon, gueules cassées au front pour sauver la patrie. Les autres jouent l'indignation, puis trouvent dans les J.O. un moyen de prolonger leur emploi. Ils peuvent ensuite regretter avec candeur les débordements. Le seul débordement condamnable, c'est celui de la frontière qui fait du stade une enceinte sacrée.

De cette enceinte je n'exclus pas les tribunes. Il me semble que jadis la télé n'offrait des gradins que des plans d'ensemble, pour montrer une liesse populaire. Prudemment, elle a commencé à filmer des supporters cocasses, ventripotents torses nus dans le froid, pitres déguisés, des vedettes, des observateurs d'importance, recruteurs et sélectionneurs, de belles supportrices, puis n'importe qui. Le plus étonnant tout de même : le plan des directeurs de la chaîne, habitude servile dont on se demande comment elle a pu s'imposer. La belle et anonyme unité n'existe plus. Les quelques racistes qui y trouvaient une relative impunité — et c'est là, contrairement à ce que serinent à longueur de temps médias et politiciens, le seul lien entre football et racisme, qui ne sont guère conciliables — ne viendront plus, et c'est heureux, mais le lettré délicat qui la semaine lit Proust et le samedi accuse lestement l'arbitre d'en partager les mœurs, plus généralement tous ceux qui trouvent quelque plaisir mystique dans l'indifférenciation de la masse, déserteront eux aussi le stade, qu'on remplira, sur le modèle anglais si loué, en augmentant le prix des places, par de riantes familles bourgeoises à qui il ne manquera que la rousseur.

Surtout, la télévision ne se contente pas des tribunes et veut maintenant s'emparer du terrain, et de sa vérité. Les critiques répétées contre les arbitres aboutissent toujours à cette conclusion brillante : il faut adopter la vidéo puisque de toute façon nous y viendrons. Même France 2, chaîne qui jusque là se caractérisait par l'incompétence de ses commentateurs, fonctionnaires déplacés de poste en poste sans souci de leur spécialité, et par son approche humaniste du sport, grotesque et contre-productive, a débauché Denis Balbir, qui après un temps d'acclimatation à l'amateurisme de la rédaction, a entamé une critique systématique de l'arbitrage. On en vient à regretter les sujets larmoyants sur l'équipe nationale des unijambistes sierra-léonais.

Le salut du football, c'est l'immobilisme si souvent moqué des birbes de l'International Board.

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Commentaires
P
J'ai enfin trouvé l'occasion d'écouter l'émission, et pour le coup elle est remarquable. Je vais essayer de trouver où emprunter ce livre de Philippe Bordas, pour voir ce que vaut l'écrivain. Merci de l'attention.
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P
ça peut vous intéresser :<br /> http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/jour_lendemain/<br /> <br /> (votre texte est remarquable...)
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planes
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