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planes
11 février 2008

Mobile (Amérique)

Par où commencer ? Puisqu'ici tout est affaire de transition(s), peut-être par The Grapes of Wrath de Ford, par la fin qui n'en est pas une et Ma Joad (Jane Darwell) : « we keep coming because we are the people. »

« Une Ford couverte de poussière, surchargée de malles, arrêtée sur le bord de la route, « il faudra prendre de l'essence au prochain B.P. », — sur les montagnes, les campanules des lièvres, sur le plateau, les primevères du soir. » (Michel Butor, Mobile : étude pour une représentation des Etats-Unis)

« L'aube pâle illumina des arbustes verdoyants au bord de la route. Je gonflai d'air mes poumons ; une locomotive hurla dans l'obscurité, filant sur Mobile. Nous aussi, nous y filions. » ( Jack Kerouac, Sur la Route [trad. : Jacques Houbard] ).

« Mes premières impressions furent de sentir et comprendre que j'étais vraiment sur un autre continent et d'en être intimement remué. Les dockers étaient des Noirs, des Noirs américains. La ville s'appelait Mobile et nous étions en Alabama. » (Pierre Goldman, Souvenirs obscurs d'un juif polonais né en France)

« Mobile is a Small, compact, thriving place, of goodly apparence — there are about 10 Steamers that ply up the Mobile & alabama Rivers — Some to New Orleans daily — and also Some to Pensacola daily — the Country around is flat & Swampy, and the accounts of the healthiness of the place, So varied that no one can depend on what is said on the Subject ; at the exception, that the population is about 13,000 people during winter, and that in July & August, it is reduced to about 5,000 ! — to me this, and what I have seen, is suficient — My Mind therefor is made up never to seek refuge (Much less health) in either the Lower parts of alabama or any of our Southern States — » (John James Audubon, lettre à John Bachman, Mobile, le 24 février 1837, in Writings & Drawings)

« Il ne faut pas chercher aux Etats-Unis l'uniformité et la permanence des vues, le soin minutieux des détails, la perfection des procédés administratifs ; ce qu'on y trouve, c'est l'image de la force, un peu sauvage il est vrai, mais pleine de puissance ; de la vie, accompagnée d'accidents, mais aussi de mouvements et d'efforts. » (Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique).

Mobile, Alabama. Trois Noirs, accusés de meutre, sont lynchés. Barnum, de passage, placarde une affiche sur chacun des pendus. Dans la ville, il promène une banderole : « Le peuple a fait justice. Maintenant qu'il vienne se délasser et oublier le crime et le châtiment au cirque-concert de P.T.Barnum. » Et les pendus de se balancer au vent.

Mobile, Alabama. C'est là que commence The Honeymoon Killers (Leonard Kastle). Quel est le mobile des crimes ? Les dérisoires sommes d'argent ? Bien plus sûrement la nécessaire et absurde continuation d'un mouvement heurté, discontinu, facilité par l'impunité relative qu'offre chaque passage dans un nouvel état. Le tueur en série, la série : spécialités américaines (alors que la France serait un pays de tradition feuilletonesque).

« Ce "Mobile" est composé un peu comme un "quilt". » (Michel Butor, Mobile) Le quilt, c'est cette courtepointe composée d'une mosaïque de tissus, « aussi étoffé et aussi riche que la trame du temps elle-même » (Kerouac), modèle réduit symbolique de la disparité du territoire.

« Cette transposition quantitative accroît et diversifie notre pouvoir sur un homologue de la chose ; à travers lui, celle-ci peut-être saisie, soupesée dans la main, appréhendée d'un seul coup d'oeil... A l'inverse de ce qui se passe quand nous cherchons à connaître une chose ou un être en taille réelle, dans le modèle réduit la connaissance du tout précède celle des parties. » (Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage)

« Freedomland (prospectus) :
Excitation ! Aventure ! Education !
Traversez les siècles depuis la Nouvelle-Angleterre coloniale jusqu'à l'Ouest des pionniers, des villes de la frontière mexicaine aux ports des Grands Lacs, du Cap Canaveral au Passage du Nord-Ouest !
Bourlinguez à travers l'ancien pittoresque far-west sur un cheval d'acier d'antan, explorez le Nord-ouest dans le canot d'un trappeur, planez 70 pieds au-dessus de la terre dans le baquet d'une mine...
Promenez-vous par les voies fluviales et les déserts de l'Amérique dans les plus excitantes attractions nouvelles que l'on ait jamais imaginées !
Plus de 40 thèmes authentiques pour que l'histoire REVIVE à Freedomland !... » (Michel Butor, Mobile)

Jonathan Rosenbaum, natif de Florence, Alabama, reprend dans Mouvements.Une vie au cinéma la phrase de Moullet sur DeMille et l'applique à Disney et Disneyland : « Juste une ligne droite, pas de dialectique ». Au pays des drive-in, des sit-in (pour protester, on ne manifeste pas, on rompt le mouvement) et du football américain, sport de conquête hâché où le but est la progression spatiale, l'histoire est avant tout mouvement, déplacement, géographie cinétique.

« Et si la méthode est explicite dans Mobile , c'est qu'elle a rencontré dans l'Amérique ( on laisse ici volontairement aux Etats-Unis leur nom mythique) un objet privilégié, dont l'art ne peut rendre compte que par un essai incessant de contiguïtés, de déplacements, de retours, d'entrées portant sur des énumérations nominales, des fragments oniriques, des légendes, des saveurs, des couleurs ou de simples bruits toponymiques, dont l'ensemble représente cette compossibilité du nouveau continent. Et ici encore, Mobile est à la fois très neuf et très ancien : ce grand catalogue de l'Amérique a pour ancêtres lointains ces catalogues épiques, énumérations gigantesques et purement dénominatives, de vaisseaux, de régiments et de capitaines, qu'Homère et Eschyle ont disposés dans leur récit aux fins de témoigner de l'infinie « compossibilité » de la guerre et de la puissance. » (Roland Barthes, « Littérature et discontinu », in Essais critiques)

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Commentaires
P
Sur la côte du Texas<br /> Entre Mobile et Galveston il y a<br /> Un grand jardin tout plein de roses<br /> Il contient aussi une villa<br /> Qui est une grande rose<br /> <br /> Une femme se promène souvent<br /> Dans le jardin toute seule<br /> Et quand je passe sur la route bordée de tilleuls<br /> Nous nous regardons<br /> <br /> Comme cette femme est mennonite<br /> Ses rosiers et ses vêtements n'ont pas de boutons<br /> Il en manque deux à mon veston<br /> La dame et moi suivons presque le même rite<br /> <br /> Guillaume Apollinaire, Annie (Alcools)
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P
Je ne peux que deviner le rapport, je ne suis pas allé au cinéma depuis une paire d'années (mais j'ai vu ce soir le très beau Fort Apache de Ford).<br /> Je vous laisse chercher l'explication de planes, au cas où celle que vous trouveriez surpasserait la mienne, et la remplacerait.
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V
Vu "No country for old men" ce matin (le rapport avec cette note n'apparaît que si vous l'avez vu aussi).<br /> <br /> Vu cette annonce: http://www.fabula.org/actualites/article22763.php<br /> <br /> Ces jours derniers, tombé sur qq chose qui aurait expliqué ce nom de "planes"... mais j'ai oublié. Ça reviendra, ou je retomberai dessus, puisque je tourne habituellement en rond.
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planes
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