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planes
9 novembre 2007

Quel épouvantable dimanche

  « Quel épouvantable dimanche.
     Je ne suis pas sorti de ma chambre, sauf pour bondir au restaurant, ce qui a d'ailleurs suffi les deux fois à me tremper jusqu'aux os.
     Il continue à pleuvoir ce matin, et il fait très froid.
     Je broie des idées noires sur le destin de la civilisation. Elle me paraît vraiment destinée à périr. Il me semble possible d'abattre la puissance militaire allemande, mais non cet esprit de souplesse et de violence à la fois, que rien n'arrête et qui sait profiter de tout, et toujours éveillé et attentif quand les autres sont paresseux, frivoles ou fatigués ou simplement désespèrent de leur chance, doutent de leur foi ou sont curieux de l'avenir, trop détachés, trop philosophes, trop objectifs.
     Une victoire militaire ne nous changera pas, elle ne nous rendra qu'à notre lassitude.
     Et si complète soit-elle, elle ne fera pas davantage disparaître cet esprit d'ambition avertie et décidée, négateur de tout ce qui n'est pas lui : il pourra toujours renaître en quelque point du monde, toujours aussi prompt et audacieux devant toujours autant de sommeil et d'indifférence.
     Je voulais le guider vers d'autres buts. Au fond, c'était là que nous voulions faire un Collège de sociologie, appeler cette vigueur à quelque chose qui en valut la peine et qui ne fut pas un faux principe ou le masque de cette vigueur même, devenant son propre but. Mais nous sommes venus trop tard, nous étions trop peu et nos cœurs étaient trop faibles.
     Mieux vaut faire des charades. »

Extrait d'une lettre de Roger Caillois à Victoria Ocampo, 1939.

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